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Auteur/autrice : Mirek B. Doryn

Pied-de-Biche, musique punk et guerre éternelle pour ce Pix’n Love #42

Des couloirs d’un complexe militaro-industriel sombres et infestés d’aliens. Les accords d’une guitare qui résonne dans un entrepôt abandonné. Des plaines où les orcs et les humains s’affrontent pour la survie de leur race. Pour ce numéro 42 de Pix’n Love, dont Conkerax a tenu la ligne éditoriale, j’ai eu l’occasion de m’y incrusté avec non pas un, ni deux, mais trois reportages. Je vous les résume rapidement, avec en bonus, les meilleurs intertitres de mes collègues sur leur article respectif.

L’homme au pied de biche

Du développement du premier Half-Life, Gabe Newell tiendra les mots suivants :  » Il nous aura fallu 1 an pour apprendre comment on crée un jeu, et 1 année de plus pour le développer. »

Effectivement, le premier titre de Valve a été un long parcours semé d’embûche. L’entreprise a appris sur le tas les ficelles du métier, la négociation de contrats d’édition (avec le géant de l’époque Sierra Online), le développement de moteur de jeu (en se basant sur celui de Quake fourni par id Software), ou encore l’organisation et le management d’équipe.

Pour y arriver, Gabe Newell et Mike Harrington (cofondateur de Valve) se sont laissé guider par leur instinct. C’est ce qui a donné lieu au côté atypique de l’entreprise de Bellevue. Pas de game designer pour chapeauter la production, mais un système de cabale où chacun contribue à la production du jeu en y amenant leur propre conception de ce qui est fun.

C’est d’ailleurs le maitre mot pour les développeurs : Fun. Même si Half-Life flirte avec un aspect réaliste, ça n’a jamais été l’objectif. Le but était avant tout de créer un monde excitant qui soit amusant à parcourir. Pour y arriver, les labos sous terrains du Nouveau-Mexique prennent en compte le joueur et répondent à ses actions. Pour Valve, c’est là que le fun réside : dans le feedback fourni aux joueurs.

Bref, tout ça a donné lieu à l’accident (provoqué ?) de Black Mesa d’où a découlé le lien avec la planète Xen, ainsi qu’un tremblement de terre dans le paysage vidéoludique. Half-Life redéfinissait alors le genre du Doom-Like maintenant appelé FPS en offrant une action continue et frénétique.

Work Hard, Party Hard, Neversoft

La frénésie, c’est ce qui pourrait également décrire Tony Hawk Pro Skater et son développement.

Je me souviens de ma première partie. Ce hangar. Tony Hawk sur son skate. La caméra qui s’installe derrière lui. Le compte à rebours qui se déclenche. Et les accords d’un style de musique que je n’avais jamais entendu auparavant. Des accords bruts qui donnaient cette énergie et cette envie de remonter sur son skate après être tombé encore, encore et encore.

Le jeu de Neversoft a marqué toute une génération et inspiré de nombreux gamins à demander une planche à roulettes pour leur anniversaire. Il a popularisé tout un vocabulaire à coup de kickflip, de Impossible, de gap ou de backflip.

Puis, il y a la bande-son. Une des meilleures de son époque avec des titres piochés dans ce qu’écoutaient les skaters des 90s.

Tout dans ce jeu déborde de passion. Les développeurs eux-mêmes, lorsqu’ils ont su qu’ils allaient développer un jeu avec Tony Hawk, se sont mis au skate. Les bureaux se sont vite remplis de magazines Thrashers ou de cassettes 411VM. Joel Jewett, un des dirigeants et ex-comptable, mais aussi l’esprit même de Neversoft et de son attitude punk, a construit une mini-rampe dans les locaux. Puis, il y a eu les concours de kickflip et les voyages d’entreprise dans les différents skateparks des États-Unis.

L’ambiance était tellement folle que les skaters pros qui venaient faire de la mocap revenaient par pur plaisir pour skater avec les développeurs de Neversoft.

Des détails que vous retrouverez dans le Pix’n Love #42. Vous y apprendrez également comment Bruce Willis a convaincu Tony Hawk de signer chez Activision en roulant en skate pour lui.

Dans la vallée, oho, d’Azeroth

Avant World of Warcraft, il y a eu les STR Warcraft, piliers du genre, de sa démocratisation et de l’aspect compétitif en ligne. Celui que j’évoque dans les pages de ce Pix’n Love est le plus reconnu de la licence pré-ère MMO. Il apporte les bases du lore d’Azeroth qui serviront de fondation pour le titre massivement multijoueurs.

En faite, même dans les errances de sa conception, vous voyez déjà émerger les contours de ce qui deviendra la poule aux œufs d’or de Blizzard. Initialement, ce troisième volet devait s’éloigner de ses racines STR et se mélanger au RPG en intégrant des héros dotés de pouvoirs spécifiques indispensables sur le champ de bataille. Comme dans la version finale, vous allez me dire, sauf qu’ici, la caméra était uniquement centrée sur eux et le management de votre base passait au 3e, voire 4e plan.

Derrière ces choix, il y avait une volonté de mettre en avant l’histoire plus que les mécaniques de jeux. Une volonté qui se retrouvait déjà dans leur projet avorté Warcraft Adventures abordé par mes soins également dans le Pix’n Love #43.

Bref, d’expérimentations en décisions bancales, le développement s’enfonce dans les marécages lugubres des jeux morts avant même leur naissance. À vouloir tout mettre dedans, le résultat était quelconque. Il aura fallu à Blizzard de trancher entre STR et RPG pour que le développement reparte sur de bonnes bases, mais ça, je vous laisse le découvrir dans l’article.

Ce qui vous attend dans ce Pix’n Love

Au-delà de mes reportages, vous retrouverez un tas d’article sur des jeux mythiques sélectionnés par Conkerax, responsable éditorial sur ce numéro et plus généralement youtubeur à succès.

Vous y retrouvez également pêle-mêle :

  • Conker’s Bad Fur Day
  • GTA Vice City
  • La Gamecube
  • Halo
  • Golden Sun
  • Jak and Daxter
  • Etc.

L’occasion pour moi de saluer les jeux de mots de mes collègues.

Michaël Garné, par exemple, qui enchaine les « Je veux Shantae pour ceux » ou le magnifique « Donzelle Washington » dans son article sur Shantae.

Régis Monterrin de son côté sous-titre son article sur Conker « La fourrure de vivre », ce qui colle parfaitement avec l’histoire de son développement. Il poursuit en nous mettant Coolio en tête avec son intertitre « Conker’s Paradise ».

Et puis, Benjamin Berget ouvre les vannes (dans tous les sens du terme) dans son article sur Halo Combat Evolved. Pêle-mêle : « Se méfier d’Halo qui dort », « Le Bungie de l’an 2000 », « Halo ? Wazaaaaa ! », « Douche Halo froide ».


Rendez-vous donc sur le site des éditions Pix’n Love pour découvrir le sommaire complet !


Pour prolonger votre lecture

Quand Tony Hawk dealait du punk à des gamins de 9 ans

Ou comment mon univers musical a fait un kickflip grâce à ce jeu PlayStation – PARTIE I

Dans les années 90, si vous vouliez écouter de la musique, vous deviez casquer. 20 balles (en euro ! En francs, je ne me souviens plus du prix), 20 balles, disais-je avant d’être interrompu grossièrement par moi-même, 20 balles donc pour un CD où 2 titres vous intéressaient.

C’était hors de prix.

Au pire, il y avait les singles avec 2 ou 3 morceaux maximum, généralement ceux qui passaient au Top50 diffusé à midi les samedis sur certaines chaines. Des samedis où vous priiez pour que Larusso ne soit pas number one, parce que ça voulait dire que vous alliez devoir vous taper sa chanson en entière.

Non Larusso, je ne t’ai pas oublié !


Ceci est la première partie sur deux du reportage sur la sélection musicale de Tony Hawk Pro Skater qui raconte ce qui a formé la meilleure bande son de la Psone. La seconde partie n‘est disponible que via la newsletter. Abonnez-vous pour y avoir accès !


Voyage dans les 90s

Ma sœur, elle, elle avait une chaine hifi. Et pour éviter de se farcir à nouveau Larusso sur les ondes en plus de la télé, elle avait ses cassettes. Sur le carton de la tranche qui les accompagnait, elle avait noté des noms exotiques qui ne me parlaient pas plus que ça.

J’étais encore trop jeune pour savourer tout ce que le néo métal de la fin des 90s / début 2000 produisait et au début, Korn, Muse et Limb Bizkit me passaient par-dessus la tête. Cependant, à la longue, en les entendant à travers la porte de sa chambre, mon oreille musicale se formait et se préparait à l’énergie brute et sauvage qui allait bientôt débouler dedans.

Mais pour le moment, j’étais encore innocent. J’étais sur ma PlayStation à jouer à Crash bandicoot 3, ou à Diablo et je me laissais bercer par leur ost. Certains morceaux étaient anecdotiques, d’autres ont laissé leur marque dans ma mémoire.

Puis, avec le support CD de la PlayStation, il était maintenant possible d’intégrer aux jeux vidéos une véritable bande-son reprenant des artistes connus.

Il devait y avoir des raisons à cela – probablement l’aspect passe partout – , mais grâce à ce support, les développeurs ont noyé les oreilles des gamins des 90s par une douce jungle atmosphérique. Vous-mêmes, en allant sur YouTube – je vous invite à le faire maintenant – , vous trouverez facilement une sélection de ces morceaux en tapant dans la barre de recherche : PS1 Jungle Mix.

En quelques secondes, vous avez eu à portée de doigts des centaines d’heures de musique de qualité. Une facilité et une gratuité d’accès qui passent de nos jours inaperçues et qui vous permettent d’apprécier l’écart entre notre époque bénie et la fin des années 90, tout aussi fantastique.

Dans cette décennie donc, pour découvrir de nouveaux artistes, vous n’aviez pas beaucoup de choix. Ça se passait à travers MTV, le top50 ou la radio, éventuellement dans la cour de récrée où un pote vous parlait de l’obscur groupe de rock que son grand frère avait vu en concert le week-end dernier, et à travers la bande son de films ou de jeux.

Ces médias étaient donc un réel vecteur de découvertes musicales à travers leur sélection.

Et dans ma petite chambre, je m’apprêtais à découvrir ce qu’avaient concocté pour moi les développeurs de Neversoft, en insérant un disque sur lequel était marqué au feutre noir Tony Hawk Pro Skater.

Je passais vite l’intro et sélectionnais mon perso, puis le niveau, le seul disponible : la Warehouse. Un entrepôt abandonné où j’allais exprimer mes nouveaux talents. Je n’avais pas encore atterri sur mon skate que l’énergie brute des accords crades d’une guitare me prenait aux tripes.

Pendant les deux minutes qui suivaient, je voyais Tony Hawk enchainer péniblement quelques figures sur une rampe ou dans un half-pipe, et plus généralement, racler ses dents contre le bitume dans une gerbe de sang phénoménale.

J’étais mauvais, mais ce qui me poussait à persister, c’était justement cette musique dont la voix énervée et hachée chantait « And ride, ride, how we ride ».

Le reste de la bande-son était énorme, mais à chaque fois que je lançais une run, c’était ce morceau que je voulais dans mes oreilles. Et impossible d’y avoir accès autrement que par le jeu. Pendant une dizaine d’années, la chanson allait me rester en tête sans que je ne puisse mettre l’oreille dessus, ne connaissant ni le titre, ni l’artiste, ni les paroles.

Une recherche qui s’est vite transformée en obsession, essayant de me rappeler les quelques mots que j’avais reconnus dans mon pauvre anglais pour retrouver le titre alors que je fouillais les bacs de la Fnac. Jusqu’au jour où, une décennie plus tard, j’ai retrouvé la bande-son du jeu sur internet et constaté qu’elle avait également marqué des centaines de milliers de gamins des 90s.

Et pour cause, lorsque les développeurs se sont penchés sur la sélection à effectuer pour leur nouvelle petite licence, ils y ont mis toute leur énergie en surmontant problèmes techniques et budget serré.

Une curation formée par ces limites, ainsi que par des intentions bien précises nourries par la culture skate.


Ceci est la première partie sur deux du reportage sur la sélection musicale de Tony Hawk Pro Skater qui raconte ce qui a formé la meilleure bande son de la Psone. La seconde partie n‘est disponible que via la newsletter. Abonnez-vous pour y avoir accès !


Un voyage nostalgique dans les années 2000

Au pays de la brume éternelle – In Memoriam Morrowind

C’est l’histoire d’un gamin solitaire qui se perd dans le monde virtuel de Morrowind. Il y découvre des contrées magiques où l’aventure le détourne de cette petite bête qui le ronge.

Cependant, à l’horizon, le brouillard perpétuel de ces terres se resserre. Les nuages obscurcissent le ciel. La pluie tombe. Et avec elle, la dépression et la solitude de ce jeune homme se reflètent dans ce paysage devenu sordide.

Mais à force de s’y enfoncer, il y trouvera un trésor inespéré, une présence invisible qui l’aidera à faire face à ses angoisses et lui révèlera un secret pourtant caché sous son nez depuis le début.

Au final, c’est l’histoire d’un gamin solitaire qui s’est trouvé dans le monde virtuel de Morrowind.

Une main tendue

In Memoriam Morrowind est une petite nouvelle qui propose de voyager à nouveau sur les rives du jeu vidéo des années 2000 et qui parlera aux nostalgiques comme aux solitaires. Ils y trouveront une aide et un réconfort, ce que, contre toute attente, j’ai trouvé dans ce jeu vidéo du début des années 2000.

J’y relate comment ce monde virtuel m’a aidé à surmonter des peurs et des angoisses depuis trop longtemps enfuies en moi et que je fuyais à travers les mondes virtuels.

J’espère que les quelques mots de cette nouvelle sera cette main tendue qu’il me manquait et qui vous montrera ce qui se trouve là, caché sous votre nez depuis toutes ces années.

(Vous serez rediriger vers la boutique kindle)

preview au pays de la brume éternelle In Memoriam Morrowind couverture poésie ludique

Reportage sur le développement d’Outcast (99)

Un Underrated des 90s

Lorsqu’il sort en 99, l’avance d’Outcast sur le reste du jeu d’aventure est indéniable. Monde ouvert, nature crédible et organique, système de craft et de réputation, IA poussée, aventure non linéaire, … Il a tout pour révolutionner le jeu vidéo. Et pourtant …

Et pourtant, il passe inaperçu, la faute à des choix de développement à la fois indispensable pour rendre de tels environnements, mais qui au final joue contre le titre. Ces choix sont nés des années auparavant, alors que les GPUs n’existaient pas, et les processeurs commençaient à peine à exploser en termes de puissance. Il a donc fallu être visionnaire pour Yves Grolet, Yann Robert et Franck Sauer et envisager des années à l’avance les possibilités des machines de la fin du millénaire.

Les choix technologiques faits, c’est un développement anormalement long pour l’époque qui s’entame, avec son lot de challenges et de problèmes à régler.

Le reportage et quelques bonus

Ce reportage revient en long et en large sur ce développement et vous donne un aperçu de l’industrie et de son fonctionnement, de la recherche d’un éditeur (Infogrames) au rush final. Il aborde également les différentes composantes du jeu et les choix qui les ont guidés avec des détails particulièrement intéressants sur la composition orchestrale de Lennie Moore, le choix stratégique des environnements magique du jeu, celui malheureux du nom du héros, le casse-tête de la non-linéarité de l’histoire ou encore les efforts pour unir des paysages si différents autour d’une même culture et faire vivre au joueur une aventure inoubliable.

Pour réaliser ce reportage, j’ai pu compter sur l’aide précieuse de Franck Sauer (à l’origine du projet avec Yves Grolet et Yann Robert et graphiste/sound designer sur Outcast) et de Douglas Freese (scénariste sur le jeu). Je vous mets d’ailleurs l’intégralité des interviews réalisées ici même.

Interview de Franck Sauer

Interview de Douglas Freese : Partie I et Partie II (à paraitre)

Le reportage est disponible dans le Pix’n Love #41 paru le 8 août 2024.

Bonne lecture ! 🙂

cover reportages magazine Pix'n Love

Pouvez-vous tuer six cents fois une personne ?

Juste une question avant de commencer : Avez-vous déjà tué un animal ?

Pas la peine d’être outré, c’est juste une question qui me paraissait importante…

Donc, Elizabeth, c’est l’histoire d’un fou maniaque qui cherche la perfection et qui écrit six cents fois la même phrase, ou chaque phrase six cents fois, je ne sais plus.

En tout cas, il cherche un cœur pour Elizabeth. Elizabeth, c’est sa femme. Elle aussi, elle écrit chaque phrase… humm. Chaque fois, elle écrit une phrase six cents… Non attendez, ce n’est pas ça.

Bref, Elizabeth, c’est sa femme et elle est parfaite, à part son cœur. Son cœur n’est pas parfait. Ce sont les médecins qui le disent.

C’est important un cœur.

C’est important une femme.

En tout cas, sa femme est importante pour lui. Il n’a jamais eu de chance en amour.

Il a bien dû avoir un rendez-vous où il a posé six cents fois la même question… Ou est-ce l’inverse ? Je reprends. Il a bien dû avoir six cents rendez-vous. Six cents rendez-vous où il avait une question qui lui semblait importante à poser. Il a appris qu’apparemment, ce n’était pas une question qu’on posait. Pas à un premier rendez-vous.

Peut-être même pas du tout.
Et surtout pas six cents fois. Où l’a-t-il posé une seule fois ? Rhaa, je sais plus.

Tout sera parfait

En tout cas, il a fini par rencontrer la femme parfaite. Elizabeth. Elizabeth qui écrit six cents fois chaque phrase, comme lui écrit chaque fois six cents phrases… Attendez, je me suis gouré, je crois… Enfin bref, Elizabeth qui était parfaite. À part son cœur. Le cœur d’Elizabeth n’était pas parfait.

Et l’homme est parti chercher un nouveau cœur pour que tout soit parfait.

Vous savez ce qu’il faut faire pour avoir un nouveau cœur ?

Ce n’est pas facile, il faut tuer six cents fois un homme et …. Non, ce n’est pas ça non plus. Il faut tuer un homme…

Non je m’embrouille. Je crois que Emmanuel Denise raconte mieux les histoires que moi et je vais le laisser terminer.

Sachez juste que c’était déjà lui derrière A flame in the night et l’écriture est toujours aussi brillante. Il utilise ici beaucoup de répétition pour raconter l’histoire de ce fou maniaque en quête de perfection qui écrit tout six cents fois, histoire d’être sûre que tout soit parfait. C’est un conte horrifique, encore plus que ce que n’était A flame in the night qui était très léger en comparaison. Il n’est plus question de folie douce, mais d’une folie beaucoup plus violente.

Vous retrouvez le même style que A Flame in the Night avec de gros pixels et un mélange de texte, de son et d’image utilisée pour créer le malaise et le dérangeant. Tout est à nouveau en noir et blanc avec des moments où le rouge domine l’écran.

Le conte dure une trentaine de minutes pour voir la fin et je vous mets le lien ici. Forcément, je vous le recommande les yeux fermés que vous vouliez y jouer une fois ou peut-être six cents fois, ça, ça dépend de vos attentes en termes de perfection. Sur ce, je vous laisse en tête à tête avec vos troubles mentaux, surtout si vous avez répondu oui, à la question de l’intro !

Rencontre avec Franck Sauer, lead designer d’Outcast

Franck Sauer est un artiste touche-à-tout. Avec Yann Robert et Yves Grolet, il est à l’origine d’Appael et du précurseur du jeu d’aventure en monde ouvert Outcast. Sur ce jeu, il a porté les casquettes de directeur, designer, sound designer, graphic designer, et modélisateur 3D. Quoi de plus normal que de lui poser quelques questions pour compléter l’histoire derrière le développement d’un titre révolutionnaire pour son époque ?

(Cette interview a été réalisée pour le reportage sur le développement d’Outcast que vous retrouvez dans le numéro 41 de Pix’n Love)

Interview de Franck Sauer

Qu’est-ce que vous éprouvez par rapport à Outcast aujourd’hui ? (De façon générale ou par rapport à sa réception critique et publique, ou à son développement)

Je suis très fier d’avoir participé à l’élaboration d’un produit reconnu pour son innovation tant du point de vue technique qu’artistique et gameplay. Il me reste cependant un léger goût amer dû au manque de soutiens de la distribution aux États-Unis à l’époque de la sortie du jeu à cause des tensions internes entre Infogrames et Accolade.

Shamazaar a été la première région créée (déjà à l’époque du prototype). Y a-t-il une raison particulière de commencer par celle-ci ? D’où est venue l’inspiration ?

Le scénario initial se déroulait dans des cartels de la drogue en Amérique du Sud. À cause des contraintes topologiques liées aux voxels, nous avons travaillé pour le premier prototype sur des décors de rizières et des édifices de type inca. La raison étant que les contraintes qu’avaient les Incas pour construire étaient proches de nos contraintes topologiques. Quand le scénario a évolué vers un setting sci-fi, nous avons étendu le prototype et c’est devenu Shamazaar.

Je n’ai pas trouvé beaucoup de détails sur la création des différentes régions. Qu’est-ce qui a guidé leur création ? Y a-t-il également des inspirations particulières derrière certaines ? Y a-t-il une région en particulier sur laquelle vous avez aimé travailler ?

Les régions ont été créées sur la base de la diversité des biomes. Nous voulions simplement que l’ambiance soit bien distincte d’une région à l’autre. C’est le reflet d’une approche que nous avions eu dans nos jeux précédents comme Agony ou Unreal. Cette diversité apporte de la ‘production value’. Par exemple pour les screenshots dans la presse. Une fois cela en place, ça dirige tout le reste, les sous-quêtes, les pièges, la musique… et pour le joueur cela contribue énormément à l’expérience de vivre une ‘grande’ aventure.

Je n’ai pas trouvé beaucoup d’éléments sur la création de l’histoire, des quêtes et des personnages. Qu’est-ce qui a guidé l’écriture de l’histoire et des quêtes ?

L’histoire a principalement été écrite par Yves qui s’inspirait beaucoup de la littérature scientifique à l’époque. Une fois l’histoire générale en place, Douglas s’est enfermé 15 jours dans son appartement en face des bureaux pour développer l’ensemble des quêtes, c’était un vrai marathon. Sa formation à la foi cinématographique et en jeu vidéo ont été des éléments clés de cette écriture.

Pareil pour la création des personnages et en particulier de Stan Blaskowitz (un nom ressemblant fort au héros de Wolfenstein) : qu’est-ce qui a guidé leur création ?

Nous voulions un personnage à l’identité et à l’image fortes. Dans la grande tradition Disney, Iwan a travaillé sur la silhouette du héros et nous sommes arrivés à ce personnage avec un casque en forme de bec d’oiseau que nous avons appelé Stan Blaskowitz qui n’est pas sans rappeler MKD sorti à peu près à la même époque. Quand le scénario s’est développé, et que le background du héros est devenu militaire, l’équipement du personnage ne collait plus du tout et nous sommes partis sur une silhouette plus conventionnelle avec des vêtements plus fonctionnels et un backpack.

Prototype de Cutter Slade Outcast 99 Appeal
Prototype de Stan Blaskowitz qui deviendra Cutter Slade (image reprise du site de Franck Sauer)

Dans une interview de 2015, il est fait mention que rien ne fonctionnait deux semaines avant la sortie. Quel(s) était/étaient le ou les problèmes exactement ? Comment a-t-il ou ont-ils été surmonté(s) ?

Je ne me souviens plus des détails, mais c’est un phénomène courant en développement. C’est ce que l’on appelle les régressions. Une petite modification de dernière minute peut rendre tout le projet non fonctionnel. Aujourd’hui il y a une multitude d’outils qui permettent de monitorer les régressions et de faire en sorte que cela n’impacte pas la fonctionnalité globale, ou à tout le moins que l’on puisse revenir en arrière sur le point de régression. Ce n’était pas le cas à l’époque, il fallait tout vérifier à la main, et avec la fatigue de fin de projet, rien d’étonnant à ce que cela pète de partout !

Outcast a été développé avec cette volonté d’immerger le joueur et est finalement devenu un précurseur des jeux d’aventure en monde ouvert tel qu’on le connait maintenant. Pendant le développement ou lors de sa sortie, vous aviez conscience que le jeu était avant-gardiste ?

En partie, mais nous étions surtout concentrés sur l’idée de produire le jeu dont nous rêvions pour nous même. À la sortie du jeu, nous étions tellement fatigués, on était juste content d’en avoir terminé. Et puis il y avait ces tensions récurrentes avec l’éditeur ou la distribution, et il fallait tenir le studio à flot en signant rapidement un autre projet ce qui générait beaucoup d’incertitudes et de stress. Ça occupe l’esprit à bien d’autres considérations.

Rétrospectivement, y’a-t-il des choix que vous feriez différemment si vous deviez revenir au début des années 90 et vous lancer à nouveau dans le développement d’Outcast ? Je pense notamment au moteur graphique qui a démarqué le jeu du reste de la production de l’époque, tout en étant un obstacle pour beaucoup de joueurs privilégiant l’usage de leur nouvelle carte graphique.

Difficile à dire. Le principal problème a été la durée de développement trop longue qui a rendu cette technologie obsolète (en partie). C’est un vrai problème pour les grosses productions, si on veut prendre le temps de bien faire les choses on est pratiquement certain d’être obsolète d’un point de vue technologique. Il faut donc arriver à la fois à produire dans un temps raisonnable, mais aussi avoir la capacité d’anticiper la technologie à venir. Nous n’avions ni l’un ni l’autre à cette époque.

Dans une interview, j’ai lu que vous n’étiez plus engagé dans le développement d’Outcast 2 et que vous préfériez vous consacrer à l’enseignement et à divers projets. Est-ce exact ? Quelle est la suite pour vous ? Vous avez encore des projets de créations d’univers virtuels ?

Oui j’ai participé au début du projet, mais je me suis retiré. Je suis en effet sur un projet personnel depuis plusieurs années (dans le domaine du rétro-computing/gaming) et avec ma charge d’enseignant en plus cela faisait trop.

Cette interview de Franck Sauer a été réalisée dans le cadre de mon reportage sur le développement d’Outcast paru dans le Pix’n Love 41.

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